
« Nous, on a n'a pas le temps d'apprendre, on n'est pas riche, comme toi » entend un jour Sinek alors qu'il donne un cours sur la production de la soie aux familles aidées par l'ONG dans laquelle il travaille. « Cette phrase a été un choc. Je leur ai dit que je n'étais pas riche. Je leur ai raconté mon histoire et ils ont compris. »
Aujourd'hui employé à l'Ambassade de France au Cambodge, Sinek fait partie des premiers étudiants de l'association. « Tu sais, je suis un bon ami de Leakhéna la fille de Papy et Mamie [Christian et Marie-France des Pallières, fondateurs de PSE, NDLR]. On fait partie de la première promotion de PSE tous les deux. En 1995, nous n'étions que 10 » dit-il en guise de présentation.
Du jour au lendemain, Sinek passe ainsi d'écolier à chiffonnier. Tous les jours, il va à la décharge de Stueng Mean Chey avec ses frères pour ramasser les ordures. Là-bas, on travaille, on mange et on survit. Sinek et ses frères ne sont évidemment pas les seuls à se rendre quotidiennement dans cet endroit infernal. Des centaines d'adultes et d'enfants viennent également dénicher les ordures pour récupérer quelques riels à la fin de la journée. Ils sont même si nombreux à venir régulièrement que le travail sur la décharge n'est pas rentable.
« On ne gagnait pas assez avec la décharge, d'autant plus que le nombre de personnes qui travaillaient dessus augmentait tout le temps. Avec mes frères, nous avons décidé de devenir chiffonniers dans le centre ville. On arpentait les rues vingt heures par jour, de 4h du matin à minuit, mais personne ne voulait nous aider. Nous étions vus comme des voleurs alors qu'on voulait juste manger. »
En 1995, la vie de nombreux enfants bascule, dont celle de Sinek. Grâce à un couple de français, Christian et Marie-France des Pallières, l'association Pour un Sourire d'Enfant ouvre ses portes. A la même époque, sa famille fait la rencontre d'un ami de Papy et Mamie, le surnom donné au couple, qui leur parle de PSE.
« Un de mes meilleurs souvenirs c'est le jour où j'ai vu Papy dans ma maison. Il était très grand et il m'a proposé de venir étudier à PSE. »
Mais Sinek refuse. « Mon père était mort, ma mère était seule et j'avais besoin d'aider ma famille. » Mais Papy lui explique que s'il accepte de venir à l'école, PSE aidera sa famille pour qu'il n'ait plus à travailler.
En effet, depuis la création de l'ONG, un système de compensation de riz permet de convaincre des centaines de familles de scolariser les enfants dans l'association. Les mots de Papy le rassurent et Sinek accepte de reprendre le chemin de l'école.
PSE, un tremplin pour la vie
Avec plus de 4 ans de retard dans sa scolarité, le jeune élève intègre le programme de rattrapage de l'ONG. Grâce à cela, il comble rapidement ses lacunes. Sinek est également pris en charge par PSE en tant que pensionnaire. « Même si ma maison n'était pas loin, je pense que Papy et Mamie ont bien fait de me garder en tant que pensionnaire. Au moins à PSE je recevais l'éducation qu'il me fallait et je pouvais quand même voir ma mère à toutes les vacances. »
Pour autant, la vie n'est pas facile tous les jours. Sinek ne se rend pas compte qu'il a atterri entre de bonnes mains. « On me répétait souvent que tous les enfants sont des pousses de bambous. On nous disait qu'on allait réussir, que certains d'entre nous seraient des dirigeants. Evidemment, je n'y croyais pas, surtout que je n'aimais pas beaucoup l'école. » Mais le jeune homme ne se décourage pas. Il sait qu'il doit rester pour sa famille.
« J'ai commencé à prendre goût à l'éducation après la 3e, quand on m'a dit que je pouvais intégrer une formation professionnelle. »
Son premier choix est d'abord l'art. Sinek veut intégrer l'Académie des Beaux-Arts mais s'y résigne quand il comprend que le secteur de la culture est très fermé. En 1997, il intègre finalement une formation de 2 ans à PSE en Secrétariat et Administration.
L'éducation, un outil indispensable à la réussite
Aujourd'hui, sa famille s'en sort beaucoup mieux. Dans la fratrie, tous ont bénéficié de l'aide de PSE sauf son frère aîné qui, par choix, a préféré rester avec sa mère. Il est chauffeur de taxi-moto depuis l'adolescence. Sa soeur travaille à PSE comme assistante à l'Ecole de Gestion et Vente. Un de ses petits frères est agent de sécurité et l'autre fait de l'import-export.
Sinek a deux enfants qu'il éduque de son mieux. « Pour moi, le plus important est qu'ils aillent à l'école. Je donne mon maximum pour qu'ils réussissent. Mon prochain objectif pour eux est de les inscrire à l'Institut Français du Cambodge pour qu'ils apprennent le français. » En effet, l'éducation a une grande signification pour Sinek. Il pense que s'il s'en sort aussi bien aujourd'hui, c'est grâce à l'expérience qu'il a pu acquérir au cours de sa vie.
Une réussite possible grâce au parrainage
Depuis le début de leurs actions au Cambodge, Christian et Marie-France des Pallières, les fondateurs de PSE, ont fait le choix de compter sur le parrainage pour assurer la pérennité des programmes de l'association. L'engagement que nous prenons auprès des enfants est fort : nous les menons de la misère à un métier !
La prise en charge globale que nous offrons aux enfants se fait sur la durée. Nous nous engageons jusqu'au bout et ne laissons aucun enfant au bord de la route.